La Quadrature du cercle

 

LA QUADRATURE DU CERCLE
Sophie Aguillé
Durée
7 mn

Synopsis
Une femme que l’on appellera ELLE éduque des hommes pour lutter contre la violence physique et verbale. Cette femme, vingt-cinq ans auparavant, a elle-même subit des violences de la part de son compagnon. Elle en est sortie. Mais maintenant, elle se trouve face à son ancien amant. Enfin, elle va avoir sa revanche…

Décor
Plateau nu. Un cercle est dessiné à la craie.
Une télécommande.

Costumes
Les hommes portent une chemise et un pantalon en toile grossière. Ils sont pieds nus.
La femme porte un habit militaire, de grosses chaussures et un masque blanc neutre sur le visage.

Personnages
Un homme (LUI) : 45 ans
Une femme(ELLE) : 45 ans
Un chœur d’hommes (une dizaine pour avoir un cercle assez grand)

 

La scène se passe dans un espace fermé. Un camp ou une prison… Dans un pays du monde
Le plateau est nu. Le centre du plateau est délimité par un grand cercle tracé à la craie.
Des hommes en chemise et pantalon de grosse toile, pieds nus, tournent en rond, la tête baissée et les bras derrière le dos en suivant les contours du cercle. Le cercle est large. Il existe beaucoup d’espace entre chaque corps. Au centre, une femme, cheveux courts blonds portant un habit militaire. Pantalon, veste et grosses chaussures en cuir avec semelle de caoutchouc. On ne peut pas voir son visage. Elle porte un masque blanc sans expression. Dans la main droite, elle tient une télécommande.

C’est ELLE
LUI, fait partie du cercle des hommes.


SCENE I

ELLE. - Bienvenue au matricule 2016
Je suis votre instructrice. Vous m’appellerez Capitaine.
Je vais vous expliquer le principe de l’exercice.
Tous les hommes ici présents savent qu’ils sont là pour leur bien.
Ils sont là pour apprendre. Pour accepter leur faiblesse. Pour ne plus avoir peur. Accepter la différence. Evacuer leurs tensions, leurs émotions. Combattre la violence.
Ils doivent transformer leurs pulsions destructrices en ondes positives. Ils doivent apprendre à aimer l’autre et donc apprendre à s’aimer eux-mêmes.
Donner pour recevoir.
Ce n’est pas une recommandation, c’est une obligation !
Les séances peuvent durer plus ou moins longtemps.
Cela dépend de vous, de votre volonté à progresser.
Ici, vous n’avez plus de nom, plus de prénom. L’émotion est notre pire ennemi. Il faut la combattre.
Chaque homme possède un matricule. C’est la seule chose que vous avez à retenir. C’est votre identité. Je vous appellerai par votre matricule et vous devrez en faire de même entre vous.


Pendant qu’ELLE parle, les hommes continuent inlassablement de tourner.

ELLE .- Alors voilà comment se passe l’exercice.
J’appelle un matricule qui sort du cercle et qui vient en face de moi au centre.
Au centre, il y a un rond métallique.
Je m’adresse au matricule, je lui parle, je l’agresse verbalement, jusqu'à ce qu’il perde contrôle et essaie de me frapper.
Mais là, j’appuie sur la télécommande et le matricule qui est pieds nus reçoit une décharge électrique.
Le cerveau du matricule associe la décharge qui est une punition à la violence et comprend ainsi qu’il doit se maitriser et rester calme.
C’est redoutable d’efficacité. Nous obtenons de très bons résultats.
Maintenant, matricule 2016, présentez-vous au groupe.

Le groupe s’arrête de tourner et tous le regardent.

 


SCENE II

LUI.- Tétanisé ne dit rien

ELLE.- N’ayez pas peur, nous vous écoutons.

LE CHOEUR DES HOMMES.- Nous vous écoutons !

LUI .- J’étais comme un fou…. Je ne pouvais plus m’arrêter. J’ai cogner, cogner … Ma fille est montée dans sa chambre et a appelé la police. Mais c’était trop tard ! Il sanglote. Je l’ai tuée. Je l’ai tuée !

ELLE .- Allons, allons, calmez-vous. On va s’occuper de vous. On est là pour ça.

LE CHOEUR DES HOMMES.- On est là pour ça !

LUI .- Vous croyez ?

ELLE.- Bien sûr.

LUI .- J’ai peur !

ELLE.- C’est normal. Rentrez dans le cercle !

LUI .- La décharge, ça fait mal ?


ELLE.- Non, c’est léger. Ça chatouille un peu.

LE CHOEUR DES HOMMES.- Ça chatouille un peu !


ELLE.- Vous voulez vous soignez ?

LUI .- Oui.

ELLE.- Alors, entrez !

LUI Avance prudemment vers le centre

LE COEUR DES HOMMES s'est remis à tourner mais sur un cercle plus petit. Il n’y a presque plus de place entre eux. Au centre du cercle, on devine le couple ELLE-LUI.


SCENE III

ELLE et LUI sont au milieu du cercle. Les hommes tournent autour d’eux.

ELLE.- Alors mon salaud, tu as tué ta femme ? Ça t’a soulagé ?

LUI.- Je ne le voulais pas. J’ai perdu le contrôle.

ELLE.- C’est ce qu’ils disent tous ! Ce n’est pas une excuse. Quand on est un homme, on doit pouvoir se contrôler. Ou alors, on est un animal. Tu es un animal ?

LUI.- Ne répond pas.

ELLE.- Répond !

LUI.- Oui.

ELLE.- Oui, Capitaine !
Elle lui envoie une décharge électrique.

LUI.- Terrifié. Mais, pourquoi. Je n’ai rien fait. Je ne suis pas agressif. Vous n’avez pas le droit…

ELLE.- Tu as raison. Mais quand toi, tu frappes. As-tu le droit ?

LUI.- Non…Capitaine

ELLE.- Quand tu insultes, quand tu humilies ! As-tu le droit ?

LUI.- Non. Capitaine

ELLE.- Quand tu tues. As-tu le droit ?

LUI.- De plus en plus recroquevillé sur lui-même.
Non Capitaine.


ELLE.- Enlève son masque et le regarde dans les yeux.
Tu sais qui je suis, n’est-ce pas ? Une vieille connaissance…

LUI.- La regarde avec effroi et se cache les yeux.
Oh non !

ELLE.- Oh que si ! Tu ne rêves pas. C’est bien moi.
Quand tu m’as connue, il y a vingt-cinq ans, avais-tu le droit de me détruire. De foutre en l’air ma vie ? Réponds !

LUI.- Gémissant
Non ! Capitaine.

LE CHOEUR DES HOMMES.- Non, il n’en avait pas le droit.

ELLE.- Tu es mort de trouille. Tu vas savoir ce que c’est que la peur.
Cette fois-ci, c’est toi qui es à ma merci. Tu ne peux pas savoir le bien que ça fait.
Je me souviens de notre première nuit d’amour…
J’en suis ressortie avec des énormes bleus sur les cuisses et les fesses.
Elle lui administre une nouvelle décharge.

LUI.- Crie lors de la décharge et tombe à genoux. Je vous en supplie. Ne me faîtes pas mal.
Pardon….Pardon.

ELLE.- J’étais hypnotisée par toi. Tu faisais de moi ce que tu voulais. J’en étais même arrivée à trouver normal que tu me tabasses. Si ma sœur ne m’avait pas ouvert les yeux, c’est certain je serais morte. Comme ta femme.
Quinze jours après notre rencontre, tu m’as cassé la mâchoire droite parce que j’étais arrivée dix minutes en retard à un rendez-vous.
Autre décharge
Et un mois après, j’ai dû avorter en urgence à cause de coups de pieds dans le ventre.

LUI.- Recroquevillé par terre. Arrête, je t’en prie….Arrête. Aie pitié de moi !
Il essaie de sortir du cercle métallique en rampant mais le chœur des hommes l’en empêche.

ELLE.- Mon prénom, c’était… putain, connasse, boniche…
Tu as failli m’avoir. J’ai réussi de justesse à m’en sortir. Mais à quel prix !
Je ne pensais pas te revoir un jour. C’est dommage. Ce soir, c’est ta dernière nuit d’amour. Et tu vas la passer avec moi.

LE CHOEUR DES HOMMES.- Tourne toujours.
C’est sa dernière nuit d’amour.

Texte partiel.  Le texte intégral vous sera envoyé sur demande sur la page "contact"
Ce texte n'est pas libre de droits.