Il pleut

Saynète 7 minutes

Deux hommes

 

Synopsis:   Deux hommes attendent de passer un entretien. On ne sait pas de quel entretien il s'agit. Depuis deux heures, ils sont assis à regarder tomber la pluie. Une conversation s'engage sur un sujet qui paraît anodin, mais qui risque de les emmener sur un tout autre terrain...

 

 

 

Deux hommes assis l’un à coté de l’autre sur deux chaises. L’un est habillé simplement. Jean et baskets. Il semble mal à l’aise. On l’appellera A . L’autre  porte un costume élégant et affecte un air suffisant. Petites lunettes d’intellectuel. On l’appellera B . Tous deux regardent la pluie tomber.

 A .- Il pleut.

 B .- Ne répond pas.

 A .- Plus fort. Il pleut !

 B.- Pourquoi dites- vous cela. Je le vois bien. Cela fait deux heures qu’il pleut. Deux heures que l’on est assis là à regarder la pluie tomber. Vous feriez mieux de vous taire plutôt que de dire des inepties pareilles.

 A.- Je dis ça pour parler.

 B.- Quelle éloquence.

 A.- C’est mieux que de se taire. Je ne supporte pas le silence.

 B .- Alors pourquoi ne pas dire de choses intelligentes. Parlez de choses qui ne sautent pas aux yeux et qui ont besoin de mots pour être entendues.

 A .- Oui, bien sûr. Mais je ne sais pas comment faire.

 B .- Parler de la pluie, c’est plus facile.

 A.- Oui.

 B .- Mais c’est idiot.

 A.- Sûrement . Mais je préfère parler que de ne rien dire. Même si ce que je dis ne sert à rien. Ca me fait du bien.

 B.- C’est très curieux. Moi, je ne parle que si j’ai quelque chose d’intéressant à dire.

 A .- Et comment savez vous que ce que vous dites est intéressant ?

 B.- Parce que c’est comme ça . Je ne parle jamais pour ne rien dire.

 A .- Vous ne parlez jamais de la pluie et du beau temps ?

 B.- Jamais.

 A.- Et de quoi parlez vous ?

 B.- D’art, de philosophie, de littérature…

 A .- Et c’est intéressant ?

 B .- Regardant A d’un air consterné . Evidemment !

 A.- Et si moi, par exemple, ça ne m’intéresse pas. Est-ce que ça reste quand même intéressant ? Est ce que ce n’est pas comme parler de la pluie et du beau temps ?

 B .- Bien sûr que non. Je ne parle de choses intéressantes qu’avec des gens intéressants.

 A .- Evidemment. Et moi, je ne suis pas intéressant. Donc vous ne me parlez pas.Mais il y a quelque chose qui m’échappe. Si vous ne me parlez pas, comment pouvez vous savoir que je ne suis pas intéressant.

 B.- L’intuition.

 A .-Vous voulez dire que ça se voit. Un simple coup d’œil et vous êtes fixés.  Chapeau, vous êtes très fort.

 B .- Simplement psychologue.

 A .- J’aimerai savoir…Je ne suis pas intéressant parce que j’ai parlé de la pluie ou parce vous en êtes persuadé.

 B.- J’en étais persuadé et ce que vous avez dit à propos de la pluie a conforté mon jugement.

 A .- Vous ne doutez jamais ?

 B .- jamais.

 A.- Vous avez de la chance. Moi, je parle de choses sans importance parce que je suis sûr que les gens ne me contrediront pas. Quand je dis « il pleut », ce n’est pas contestable. Je n’ose pas émettre une idée. J’ai tout le temps peur de me tromper.C’est terrible. Vous voyez, par exemple. Nous sommes assis depuis deux heures et dans ma tête ça se bouscule. Je mélange tout. Quand ils vont m’appeler, rien ne va sortir. Je vais être paralysé . Je ne vais pas trouver les mots. On va penser que je suis un idiot. D’ailleurs, c’est ce que je suis. Je sens que je suis foutu. Je suis mort de trouille.

 B.- Calmez vous mon vieux. Il faut être sur de soi. Avoir les idées bien claires.Moi, je me sens prêt. D’ailleurs, ça ne devrait plus tarder. Ils vont nous appeler dans quelques minutes.

 A.- Ils nous font attendre exprès. C’est pour nous éprouver. Vous avez raison, il faut rester calme. Voilà, je respire a fond et je souffle. Je respire et je souffle. Il faut oxygéner le cerveau.

 B.- Vous êtes ridicule ! De toutes façons, c’est peine perdue.

 A .- Pourquoi dites vous ça ? Vous pensez que je n’ai aucune chance, n’est-ce pas ?

 B .- Pour parler franchement, oui.

 A .- C’est une certitude ?

 B .- Exactement.

 A.- Vous n’avez aucun doute. Oui, bien sûr, vous ne doutez jamais… Et bien moi, je doute. Je ne suis pas du tout certain que vous allez réussir.

 B.- Comment ! Et pourquoi doutez vous donc ?

 A.- Une intuition. C’est drôle. J’ai l’intuition, je dirais même la certitude que vous allez échouer. Qu’est ce que je viens de dire là ? C’est incroyable ! Je suis certain de quelque chose. Je n’en reviens pas ! C’est bien la première fois !

 B.- Vous m’inquiétez. Qu’est-ce qui vous fais penser cela ?

 A.- Je n’en sais rien. J’en suis certain, c’est tout. C’est une évidence. Comme la pluie qui tombe. Ca ne s’explique pas.

 B.- Vous savez… La pluie, c’est comme tout le reste. C’est un élément du décor. Elle a sa place. Et si on l’occulte, il manque quelque chose. Parler de la pluie, ça paraît anodin mais en fait quand on y réfléchit, on se rend compte que c’est essentiel.

 A.- Ah oui ?

 B.- La pluie qui tombe… Quoi de plus fascinant. Toutes ces milliers de gouttes qui se suivent à la même vitesse et qui ne se dépassent jamais. Ah ! les hommes pourraient en apprendre de la pluie ! Pas de compétition entre les gouttes. Quelle sagesse.

 A.- C’est beau, la pluie !

 B.- Vous avez raison et en plus, c’est relaxant. …

 

  Texte partiel. Le texte intégral vous sera envoyé sur demande à la page"contact"

Ce texte n'est pas libre de droits.